Jean-Philippe Laporte-Girard chante Bashung et pense avoir bâché sa vie dont il entrevoit un mince espoir d’avenir. Mais il espère se tromper. L’écoute c’est l’aide. Sans domicile fixe, cet homme fait la manche à Cahors en interprétant aussi ses compos, dont une écrite pas sa mère : une grande poétesse dont Jean-Philippe a mis les mots en musique pour lui rendre hommage le long de sa route et de sa quête d’un monde meilleur pour lui, son chat et son talent inné.
La vie d’un homme livré à lui-même, à l’abandon, n’intéresse parfois personne. C’est la cruauté de l’existence de ces êtres à la dérive qui survivent grâce à quelques pièces et un toit de temps en temps pour s’abriter du froid et de la pluie. Pas celle qui perle parfois de leurs yeux. Les plus aguerris ont parfois le choc pendant des décennies. Jean-Philippe Laporte-Girard est à la rue après 10 mois d’entretien. Il survit à Cahors. Une vie chaotique.
« Je suis né Laporte d’une fille-mère. Je n’ai pas été reconnu par mon père, mais par le mari de ma mère Robert Girard. Il était conscrit avec un mercenaire français très connu. Ils ont fait leur service militaire ensemble « Je ne l’ai pas beaucoup connu. Il est décédé il y a une dizaine d’années et ma mère en 2009. Moi je vais avoir 54 ans le 5 juin » explique cet homme que les Cadurciens aperçoivent et écoutent tous les jours sur le Boulevard Gambetta.
De Besançon à Cahors, en passant par Toulouse
Il chante et s’accompagne à la guitare. Son plus fidèle spectateur est son chat. Il vit où il peut, il vide ses poches. Pas trop de sous sur lui. Alors, il vide son sac pour livrer son dégoût de la vie. On lui a fait quitter la Franche-Comté, sa région, pour le faire réussir à Toulouse d’abord où la vie fut vraiment rose. Mais peut-être longtemps.
« Dans ma région, j’étais agent commercial. Je vendais des cuisines. Je gagnais bien ma vie. Ensuite, on m’a fait descendre à Toulouse où je me suis occupé d’un grand magasin de matériel sonore de haute technologie. Le son est devenu rapidement ma spécialité. Je crois qu’on a voulu m’écarter des affaires familiales suite au décès de ma mère et de Robert Girard. Je ne suis pas parvenu à toucher l’héritage qui devait m’être légalement transmis » déplore Jean-Philippe sans vouloir rentrer dans les détails et l’imbroglio de cette affaire où il estime avoir été injustement privé de ce qui lui était dû.
Une partie de l’emploi meurtrier à Toulouse d’avance
« A Toulouse j’ai perdu mon emploi, car je suis retourné rapidement à la rue. J’ai perçu dernièrement le RSA et surtout je n’ai pas pu bénéficier de l’aide juridictionnelle qui m’aurait permis de me défendre dans l’affaire de l’ ‘patrimoine. »
Jean-Philippe se désole, secoue la tête et lève les bras au ciel mais pour implorer qui et demander quoi ? Il ne sait pas. Il ne sait plus. Alors, souffrant de douleurs aux hanches, il se déplace parfois dans un fauteuil ou bien en le poussant. Sur celui-ci, il a tout ce qu’il lui reste de sa vie : un chat, quelques franges et sa guitare. Son précieux Tool de travail dont il joue à merveille.
Sa simple, sa fierté et sa source d’inspiration
« Je chante du Bashung ainsi que mes propres compositions et des textes de ma mère que j’ai mis en musique. C’était une grande poetesse. Dans les années 90 elle a reçu à trois reprises les médailles d’or, d’argent et de bronze des mains de l’Institut académique des arts et des lettres de Paris. Son plus beau texte s’intitle Nocturne sur l’étang. J’en ai fait une chanson » dit-il avec fierté pour honorer le talent de sa mère à travers le sien.
En quête d’un job dans le monde du son, sa spécialité
Jean-Philippe voudrait jouer sur le marché de Cahors. Il a été refoulé. Sa voix est son trésor. Il cherche un travail dans l’univers du son et pourquoi pas une main tendue pour l’aider à percer avec ses compos.
En attendant, le fils de la poétesse joue dans la rue. Sa poésie et ses émotions sont les signatures vocales d’un homme qui fait passer par la voix tout ce qu’il au fond de son âme meurtrie, mais aussi chargée d’espoir et d’un brin d’optimisme.
Gabriel Durant est un journaliste et écrivain français spécialisé dans la région Occitanie. Né dans la ville de Perpignan, Gabriel a toujours été passionné par l'histoire, la culture et la langue de la région. Après avoir étudié la littérature et le journalisme à la Sorbonne, il a commencé à écrire pour le site web Vent d'Autan, où il couvre un large éventail de sujets liés à l'Occitanie. En plus de son travail de journaliste, Gabriel est également un romancier accompli.