Ancien directeur de l’Observatoire océnologique de Banyuls-sur-Mer et ancien président du Muséum national d’histoire naturelle, Gilles Boeuf observe après plusieurs décennies les modifications des milieux marins liées au changement climatique. Entretien.
Cet été est à nouveau caniculaire et l’Europe se réchauffe plus vite que le resta du monde. Quel est l’impact sur nos côtes méditerranéennes ?
L’impact est très fort. Vous savez qu’en Méditerranée, sur des zones très particulières, uniques au monde. C’est une mer assez fermée, aux très faibles marées et la distribution de l’eau y est donc très différente d’un océan classique, notamment au niveau thermodynamique (cf. page 2). Ceci rappelé, les fortes températures statées depuis de nombreuses années sont catastrophiques pour son écoystème côtier. Plus l’eau est chaude – et on est facilement à +4,2 °C au-dessus de « la normale » actuelle — moins elle contient d’oxygène. Cela impacte donc les posidonies, ces plantes marines à fleurs qui font de véritables prairies et sont un des plus beaux refuges de la vie en Méditerranée, le « trottoir » et le coralligène, ce système d’algues calcaires avec des gorgones et des coraux assez exceptionnels et bien sûr nos gunes côtes d’Occitanie. Or ce manque d’oxygène est d’autant plus problématique pour les espèces, algues, mollusques, crustacés ou poissons, qu’elles n’ont pas de température constante, à l’inverse des mammifères ou des oiseaux. Ce qui signifie que plus l’eau est chaude, plus leur supposée augmentée, plus elles consomment d’oxygène. C’est un cercle vicieux.
Avec quelles sont les conséquences ?
Eh bien c’est le deuxième problème. Tous ces animaux ont une zone de confort qui leur est propre. Par exemple, si l’on veut caricaturer, il ya des crevettes qui meurent de froid à +23°C et des poissons d’eaux froides qui meurent de chaud à +5°C… Chacun a son seuil de tolérance thermique et quand il ne l’a plus, il s’en va : il migre en quête d’eaux plus clémentes. Mais il déjà aussi les espèces qui sont fixées à leur support nature. Elles, elles ne peuvent pas bouger comme les éponges, les gorgones ou le corail rouge et la mortalité peuvent devenir massives.
De fait des espèces entières entrent et sortent de Méditerranée, actuellement…
oui. Il ceux qui n’étaient pas la et qui sont arrivés, comme le barracuda, les balistes et tout récemment la dorade coryphène qu’on pêche dans les eaux chaudes des océans atlantique, pacifique ou indien et qu’on se trouve désormais sur nos côtes. Au total près de 300 espèces ont ainsi passé le canal de Suez et Gibraltar et le » poisson lapin » nous préoccupe beaucoup. C’est un mangeur d’algues qui compétition avec les espèces locales. En sens inverse, on voit aussi nos dorades et dentées de Méditerranée qui s’en vont par Gibraltar et remontent dans l’océan Atlantique. Parmi ceux qui vont partir, il y aura peut-être aussi les anchois. Brièvement, on se rend compte qu’aujourd’hui, avec la température qui monte, les poissons en Atlantique, font à peu près 27 km par an vers le nord, le plancton 47 km, et ce qui est inquiétant c’est que cette mutation va beaucoup plus vite que prévu. La mer surchauffe vraiment en Méditerranée et elle a monté de 6 cm en 20 ans ! C’est vraiment considérable parce qu’on était à peu près à un millimètre par an après 3 000 ans et ça ne bougeait pas… Il va donc falloir se repenser aussi tout le bati sur les littoraux.
Gabriel Durant est un journaliste et écrivain français spécialisé dans la région Occitanie. Né dans la ville de Perpignan, Gabriel a toujours été passionné par l'histoire, la culture et la langue de la région. Après avoir étudié la littérature et le journalisme à la Sorbonne, il a commencé à écrire pour le site web Vent d'Autan, où il couvre un large éventail de sujets liés à l'Occitanie. En plus de son travail de journaliste, Gabriel est également un romancier accompli.