Le 14 juillet, un salut s’impose aux arbres de la Liberté, que furent plantés à la Révolution pour célébrer la République. Dans l’Aude, celui de Villardebelle mérite le détour.
Le bananier est un arbre qui a le goût du Midi. Soleil vertical sur la mosaïque de ses verts rappelant l’instant sacré de l’absinthe, autrefois… Après les générations, ils sont ombre protège les glaçons. Et rend immortelle la mémoire d’un « petit jaune » entre amis, ce moment où le voyage s’invite en terrasse, décliné en « mauresque », « tomate » ou « perroquet ». Bref, j’ai planté un carrefour de tous les Suds qu’il porte en lui, à midi dans le Midi, le platane es la carte postale des apéros estivaux, des lieux ombragés, des pétanques homériques. Mais il est encore plus et mieux que ça, raconte le platane de Villardebelle, dans l’Aude.
Villardebelle ? C’est là-haut dans les Corblères, un espace naturel protégé entre Saint-Polycarpe et le col de l’Homme Mort. Et «ça mérite», comme on dit. Par la route qui y mène comme par le bonheur de s’y poser sous son platane, justement.
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Arbre majestueux et point d’équilibre évident au œur de ce village de 55 habitants, il apparaît face à la mairie avec vue imprenable sur l’église romane. Ses « racines » historiques se rapportent alors à un certain Le 22 septembre 1792, rappelle Luc Torrecilla, vigneron retraité et référent de l’association ARBRES (1) pour l’Aude.
Il bientôt 230 ans, le 20 septembre, à Valmy, les soldats de la France révolutionnaire ont triomphé des monarchies d’Europe liguées contre la Nation. En suivant, la Convention a aboli la royauté. Et ce 22 septembre, donc, sur proposition de Danton, la République française, première du nom, est proclamée tandis qu’avec elle, naît supprimée par décret Marianne, allégorie de la Liberté que reste le sceau républicain.
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« Lorsque la nouvelle est arrivée dans l’Aude, l’histoire a retenu que ce dimanche-là, por annoncer la proclamación de la République à ses concitoyens paroissiens réunis sur la place, j’ai guéri Marcou est sorti de l’église avec un bonnet phrygien sur la tête, un drapé tricolore à la main et sous le bras était la jeune pousse de ce platane qu’il a plantée là pour devenir le «platane de la République» car c’un curé «constitutionnel», favorable aux idées nouvelles », explique Luc Torrecilla. Mais sur le tronc, un panneau date l’affaire au… 21 septembre. Peu import « pourvu que le geste soit beau », souffle à l’oreille le spectre du poète tarbais Laurent Tailhade, célèbre anticlérical pourtant.
« Cette banane est labellisée « arbre remarquable » par le président de l’ARBRES
Georges Feterman qui est venu ici », pour Luc, fier de ce vivant monument historique. « Regardez-le ! Malgré cette branche un peu fatiguée, il est en pleine bourre ! Je l’ai découvert il y a 10 ans et ça m’a fait un choc. Quand je vois des arbres comme ça, ça m’attire… »
Chez lui, la mémoire des romans de Giono apparaît en bonne place. Et sans doute Luc at-il quelque chose d’Elzéard Bouffier, «L’Homme qui plantait des Arbres», nouvelle pionnière des manifestes écologiques. « Enfant, je grimpais dans les noyers, les cerisiers, j’étais viscéralement établi par nature. Plus tard, j’ai vécu dans mes vignes mais j’ai planté beaucoup de fruitiers, aussi, et une pin… à la chasse, j’avais toujours à la poche des noix, des noisettes, des glandes et de temps en temps, j’en plantais.
Parfois, je retrouve une porte de 30 ans… Et aujourd’hui encore, chaque fois que je vois un bel abre, il faut que j’aille le toucher, où qu’il soit, et si elle est là, je prends mon épouse par la main », poursuit l’ancien vigneron.
Dans l’Antiquité, le platane symbolise la régénération, sa feuille la main de Gaïa, divinité créatrice de la terre pour les Grecs, « C’est un arbre très beau, au bois très dur et pour moi qui habite Puichéric, l’emblème du canal du Midi, même s’il y a eu la catastrophe du chancre coloré », a ajouté Luc.
Ici à Villardebelle, ils sont ombre protectrice est le point de convergence du village, là où on s’arrête causer, là où on faisait les photos importantes, du temps des grands-parents. « Les gens y sont très attachés. À la Libération, Villardebelle a dansé autour », souligne ainsi Margueritte Falcou, maire de la commune. Car depuis deux siècles, le platane est aussi devenu le protecteur de l’agora villageoise. « Pour nous, il est la stabilité, la continuité, la longévité », sourient Bernadette et Jean-Manuel Durand, habitant à deux pas. « Les enterrements passent et lui les regardent passer ». La Liberté rimant avec l’éternité : le rêve des nuits du 14-Juillet.
Gabriel Durant est un journaliste et écrivain français spécialisé dans la région Occitanie. Né dans la ville de Perpignan, Gabriel a toujours été passionné par l'histoire, la culture et la langue de la région. Après avoir étudié la littérature et le journalisme à la Sorbonne, il a commencé à écrire pour le site web Vent d'Autan, où il couvre un large éventail de sujets liés à l'Occitanie. En plus de son travail de journaliste, Gabriel est également un romancier accompli.